Les "CHEVALIER"
 

de la société d'horticulture


Présentation des chrysanthèmes
 lors d'une exposition-vente
A gauche, Edmond Chevalier, vice-président de la SRHM.
A droite, son fils Lucien, père de Denise
Tableau de famille représentant Edmond Chevalier et son fils Lucien au travail
Photos non libres de droits - contacter la SRHM

Adhérente à la société régionale d'horticulture de Montreuil depuis les années 1970, Denise Chevalier est l'héritière d'une histoire agricole familiale qui prit fin avec son beau-frère Jacques Bellot, lequel continua la culture sur les terres familiales jusqu’à ce qu'il en soit exproprié. En 2004, nous avons rencontré Denise Chevalier pour lui demander de nous parler de son père Lucien Chevalier qui fut, plusieurs années durant, avec son grand-père Edmond Chevalier, un des acteurs déterminants de l’histoire de la SRHM.

“Chevalier” est un nom historique pour l'histoire de Montreuil et de la société d’horticulture. Une rue est dédiée à Désiré Chevalier (1820-1888). Parmi les vingt membres fondateurs de la société pratique d’horticulture en 1878, il y a cinq “Chevalier” dont  Ainé Chevalier qui est le seul Montreuillois nommément associé au marquage des pêches et Gustave Chevalier à qui on doit une partie de la collection des objets et gravures du musée, telle que la gravure du pêcher Napoléon d’Alexis Lepère. De la création de la société d'horticulture jusqu’en 1966 il y aura toujours un Chevalier au bureau de l’association. Rien ne permet d’affirmer qu'ils étaient tous de la même famille, ce nom étant assez répandu à Montreuil.

Edmond Chevalier était vice-président de la société d’horticulture sous la présidence de Léon Loiseau puis de Louis Aubin tout comme Lucien Chevalier, son fils, qui fut successivement trésorier puis secrétaire général. On doit à Edmond Chevalier la réalisation, en 1936, des annales de la société d’horticulture qui sont un remarquable travail de compilation des archives, écrites à la plume, année par année, de 1878 jusqu’à 1945.

La passion des Chrysanthèmes

Presque toute la famille Chevalier se trouvait rue Alexis Lepère. Au 28, habitaient les Brot, parents de Léontine Chevalier, l'épouse de Lucien Chevalier. Au 38, vivait Edmond Chevalier, le grand-père paternel. Denise Chevalier vécut au 34 de cette même rue avec sa famille jusqu'en 1945.

Léontine, née Brot, et Lucien Chevalier eurent trois filles. Denise née en 1921, Germaine née en 1913 qui vit actuellement aux côtés de sa mère, et Marthe, née en 1914 aujourd'hui décédée. Les terrains de culture n'étaient pas loin. Ils se situaient avenue Faidherbe et débouchaient rue Ernest Savart.

Lucien Chevalier cultivait surtout des fruits mais  sa vraie passion c’était les chrysanthèmes. “Il aimait par-dessus tout le beau chrysanthème. Il fournissait les deux plus grands fleuristes de Paris qui se déplaçaient pour venir chercher les fleurs”.

La culture du chrysanthème demandait une attention toute particulière. Il fallait les ensacher environ trois semaines avant la toussaint puis les cueillir juste la veille de la livraison.

“On marquait aussi les fruits car c'était rentable. Je faisais cela avec mon père. On cueillait les fruits puis on les posait dans des cagettes, on mettait les cagettes dans la cour. On s'asseyait tranquillement et on les marquait. C'était tout un poème, il fallait guetter le soleil et les changer de place. Au début on les marquait également sur l'arbre mais il y avait trop de perte. On produisait des pommes Calville et Canada, des poires Comice que l'on ensachait mais que l'on ne marquait pas. Il y avait aussi des pêchers palissés. On mettait les auvents pour qu'elles mûrissent sans brûler. On brossait les pêches et on les mettait par six dans des petits cartons avec des feuilles de vignes. Les fruits étaient entreposés dans le fruitier situé à l'étage du hangar de la grande cour. Au rez-de-chaussée du hangar il y avait les outils et c'était aussi là qu'on emballait. Mon père portait les caisses sur la tête avec son rond en velours”.

La taille, c'était le boulot des hommes. Nous les femmes on faisait la cueillette ou on pompait le pulvérisateur alors qu'eux tenaient la lance. J'aimais bien travailler avec mon père on s'entendait bien et le soir j'allais aux halles avec lui pour charger et décharger. On dînait avant à la maison puis on partait livrer les fruits deux fois par semaine, une seule fois pour les pêches car il y en avait moins. Les chrysanthèmes c'était le matin et on prenait le métro à 5h30 avec nos chrysanthèmes dans les bras.

Dans le travail de la terre il n’y a guère de place pour les vacances à cause des cultures. La famille s’accorde trois jours par an. Les enfants partaient parfois quinze jours chez les cousins. La famille participait aux excursions organisées par la société d'horticulture.

Les années de guerre

Juste avant la guerre, l'exploitation était tenue par Lucien et par le mari de Marthe, Jacques Bellot. Marthe et Jacques avaient deux enfants. Comme beaucoup d’hommes, Jacques Bellot fut mobilisé. Lucien Chevalier, lui faisait partie de la défense passive et resta à montreuil. Pendant toutes ces années de guerre, Denise Chevalier aide son père, sa mère et sa sœur Marthe à travailler sur l'exploitation. Pendant la guerre la famille continue à aller aux halles tous les jours. “Un jour, deux officiers allemands ont sonné à la maison. On était inquiets car Jacques Bellot avait été fait prisonnier. Ils voulaient que mon père leur fasse des pommes marquées à leur nom. Etant donné la situation de la famille, on n'avait guère le choix. On était inquiets qu'ils en parlent autour d'eux et que nous soyons obligés d'en faire pour d'autres officiers allemands. Heureusement il n'y a pas eu de suite”.

Beaucoup de femmes se sont trouvées seules avec leurs enfants et à devoir mener l'exploitation. Lucien Chevalier a mobilisé tous les hommes qui, comme lui, étaient restés, afin d'aider à tour de rôle les femmes seules. Il a aussi monté deux ventes de charité pour acheter un livret de caisse d'épargne pour tous les prisonniers de Montreuil.

Lucien Chevalier et Louis Aubin se voyaient souvent

“Louis Aubin était un homme fait pour diriger. Une grosse tête qui savait rester aimable et simple”. Lucien Chevalier a tenu le rôle de secrétaire général de la société d’horticulture pendant une grande partie de la présidence de Louis Aubin. Lucien était aussi actif à la société nationale d'horticulture de France (SNHF).

L’expropriation

Dans les années 1960 ce fut le temps des expropriations. Jacques Bellot est exproprié du terrain de la l’avenue Faidherbe. Sur ce terrain sera construit le Lycée Eugénie Coton. Jacques Bellot est contraint à trouver d'autres terrains en dehors de Montreuil. “Après les expropriations, mon père a changé du tout au tout. C'était sa terre, toute sa vie, ce qu'il avait fait naître par son travail. Le plus dur pour lui fut de voir tous ses arbres arrachés”. Lucien Chevalier est décédé en septembre 1966 et sa femme en janvier 1967.

Magalie Cayon