On ne
redira jamais assez que l’apport des Montreuillois à l’arboriculture est la
création de la forme en V. La forme en V ouvert est la véritable forme
montreuilloise, celle où l'on a coupé le canal central de la sève. La littérature
horticole, au fil des siècles, a posé maintes fois les bases de cette forme
dédiée au pêcher.

La première forme en V définie dans la littérature est une
publication de 1773 : essai sur la taille des arbres fruitiers par “une société
d’amateurs”. C’est certain M. Le Pelletier qui se cache sous ce nom sans que
celui-ci soit attaché au terroir de Montreuil).
Puis Dalbret, Alexis lepère et Hardy au 19e siècle proposent leur
version de cette forme en tentant à chaque fois d'améliorer l’équilibre entre
branches basses et hautes.
L’objectif de cette forme carrée est d’occuper au mieux
l’espace du mur ; on parle de forme carrée car l’arbre forme un grand rectangle
composé de deux carrés dans lesquels les branches principales sont les
diagonales.
Pour la réussir, il faut d’abord établir les branches basses et
freiner le développement des branches hautes verticales. C’est seulement
lorsque les branches basses sont établies, que vous pouvez laisser se
développer les branches hautes.
Dalbret, Hardy et Lepère améliorent la forme en écartant encore
plus le V et en inclinant vers l’extérieur les branches hautes afin d'éviter le
déséquilibre inévitable qui se produit à terme si on laisse les branches hautes
verticales ( ce déséquilibre est observable au Jardin-école).
Je prendrai comme modèle la méthode décrite par Alexis Lepère,
illustre cultivateur montreuillois.
Lors de
la plantation du scion, il faut le rabattre à deux yeux pour établir les
branches mères que l’on va incliner progressivement en cours de saison afin
d’obtenir deux branches bien écartées.
Je conseille de les incliner dès la première année car le pêcher pousse
vite et il est rapidement impossible d’incliner les branches sans les casser.

Puis,
l’année suivante, la formation commence. C’est la deuxième année de taille. Il
faut tailler chaque branche mère au niveau de deux yeux : l’œil du dessous afin
de former les premières branches basses (1A et
1B) et l’œil du dessus pour prolonger les deux branches mères ( A et B).

La troisième année, on taille à environ cinquante centimètres à
partir de la première branche basse au niveau de deux yeux bien placés : celui
du dessous pour établir la deuxième branche basse et celui du dessus pour
prolonger les branches mères.
Il vous faut aussi maintenir par pincement en cours de
végétation puis tailler tous les départs verticaux qui ne manqueront pas de
sortir à l’intérieur. Et enfin rabattre les deux branches basses assez long,
juste pour faire sortir les yeux qui permettront d’établir les coursonnes.
Vous procédez à l’identique la quatrième année. Pensez à
tailler les branche basses sur un œil du dessus afin de faire se développer les
coursonnes.
Dès la sortie des coursonnes tailler en cours de végétation
pour créer un Y.
La cinquième année vos trois branches basses sont établies. Si elles
sont bien installées, vous pouvez démarrer la formation des branches hautes en
sélectionnant parmi les départs verticaux. Tailler les troisièmes branches
basses pour faire sortir les coursonnes.
La sixième année, Afin de bien garnir l'intérieur mais aussi de
supporter la vigueur qui se portera immanquablement sur les premières branches
hautes 4A et 4B, Alexis Lepère les dédouble ( 4 et 4’).
Voici donc le principe de la forme carrée. Pour la réussir ne
faites donc pas comme moi : prenez le temps de bien installer les branches
basses avant de laisser filer les branches hautes. Dernier conseil, ne laissez
aucun fruit sur les branches mères ou branches hautes et basses, cela pourrait
ruiner vos efforts. Prenez le temps d’attendre les premiers fruits sur les
coursonnes.
Pour réaliser une forme carrée, il faut au minimum six mètres
et ...six années.
Pour lutter contre la dominance des branches hautes qui, petit
à petit, captent toute la sève et finissent par ruiner les branches basses, le
chaperon joue un rôle majeur par l’ombre portée sur le mur.
Cette année nous planterons cinq nouveaux pêchers et je vous
invite à venir au Jardin-école pour tenter de réaliser ensemble, cet hiver,
cette fameuse forme carrée à la Montreuil.
Philippe Schuller